Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

L'illusion et l'erreur dans la perception...ou la leçon d'humilité donnée par le philosophe Alain - Commentaure du Chapitre II, Des illusions des sens, extrait des Eléments de philosophie

Erreur-perception-illusion-alain-elements-de-philosophie.jpgParce que l’entendement joue un rôle dans la perception des choses pour ce qui est de la connaissance par les sens, l’illusion peut s’intercaler entre la matière, soit ce qui est donné, et la forme, c’est-à-dire ce qui est pensé. Alain, dans le Chapitre II du Livre I des Eléments de philosophie, distingue l’erreur de l’illusion, en considérant cette dernière comme un élément alimentant le processus qui conduit au jugement de ce qui est reçu par nos sens. L’erreur par contre est occasionnelle, en tant que produit du jugement : « La connaissance par les sens est l’occasion d’erreurs sur la distance, sur la grandeur, sur la forme des objets. Souvent notre jugement est explicite et nous le redressons d’après l’expérience ; notre entendement est alors bien éveillé. Les illusions diffèrent des erreurs en ce que le jugement y est implicite, au point que c’est l’apparence même des choses qui nous semble changée ». Ainsi, nous pourrions dire avec Alain que l’illusion est dans les sens, en amont du procédé de perception, et l’erreur en aval, une fois le jugement rendu quant à percevoir une chose. Mais il n’est pas question de dire que l’illusion crée l’erreur. Celle-ci se suffit à elle-même, parce que la perception, en plus d’être une réception par les sens, est aussi une anticipation, et il est possible qu’elle soit influencée par une idée attendue sur la base de ce qui est senti : « Il est pourtant évident, d’après les circonstances que j’ai rappelées, que cette erreur d’évaluation résulte d’un piège tendu à l’entendement ; car, d’ordinaire, les objets les plus gros sont les plus lourds ; et ainsi, d’après la vue, nous attendons que les plus gros pèsent en effet le plus ; et comme l’impression ne donne rien de tel, nous revenons sur notre premier jugement, et, les sentant moins lourds que nous n’attendions, nous les jugeons et finalement sentons plus légers que les autres. On voit bien dans cet exemple que nous percevons ici encore par relation et comparaison, et que l’anticipation, cette fois trompée, prend encore forme d’objet ».

 

Alain distingue également une divergence entre ce qui est perçu et ce qui est réellement, à propos notamment des grandeurs, ou des distances. En effet, un objet en lui-même n’est pas grand. Il l’est par comparaison avec un autre objet, et cette relation n’existe pas dans la nature mais est le résultat de l’entendement humain : « C’est assez dire que ces distances à nous, qui font le relief, ne sont pas comme distances dans les données, mais sont plutôt pensées comme distances, ce qui rejette chaque chose a sa place selon le mot fameux d’Anaxagore : « Tout était ensemble ; mais vint l’entendement qui mit tout en ordre » ». Ainsi, la pensée mesure, distance, ordonne ce qui ne naturellement ne l’est pas. Il s’agit d’un procédé humain, mêlant les sens et l’entendement, compris entre l’illusion et l’erreur, tout ceci pour faire de la matière une forme sans qu’il soit question de les distinguer, sauf à faire l’effort, comme le dit Alain, de « retrouver l’entendement dans les sens, comme il sera plus loin à retrouver les sens dans l’entendement, toujours distinguant matière et forme, mais refusant de les séparer ». Alain prévient d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’expliquer « […] les illusions par quelque infirmité de nos sens […] », mais que « C’est faire un grand pas dans la connaissance philosophique que d’apercevoir dans presque toutes, et deviner dans les autres, une opération d’entendement et enfin un jugement qui prend pour nous forme d’objet ». S’en remettre exclusivement aux sens pour justifier l’illusion serait pour l’homme se dédouaner de ses erreurs, car même si les sens lui appartiennent, il ne les commande pas, contrairement pour ce qui est de juger. Ainsi, s’agissant de la connaissance par les sens, Alain nous donne une leçon d’humilité.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
<br /> Le monde de l’illusion possède un pouvoir de fascination qui nous empêche de voir la réalité comme elle se présente. Son pouvoir est dû à notre pensée fragmentaire. Pour résoudre ce problème nous<br /> devons apprendre à sortir de ce mode de fonctionnement mental habituel et percevoir, de manière plus ouverte et plus intuitive, ce qui se cache derrière le monde des apparences. Cet exercice exige<br /> une approche complètement différente de notre manière actuelle de discerner ce qui nous entoure, mais nécessite surtout une remise en question de nos certitudes afin d’être réellement en mesure de<br /> vérifier leur exactitude. Il s’avère que beaucoup ne désirent pas vraiment renoncer à leurs convictions et à leurs habitudes. "C’est surtout ce manque de volonté de changement qui conduit l’homme à<br /> persévérer dans le trompeur et l’irréel." 'Alex Mero'<br /> <br /> <br />
Répondre