Sauter de la raison à la foi et de la foi à la raison

On ne peut décidemment pas concevoir la foi et la raison comme appartenant à un même ordre. Il y a bien lieu de radicaliser la séparation entre ces deux manifestations de l’esprit. Assurément, la foi et la raison sont toutes deux incluses dans le champ spirituel. Mais il est bon, me semble-t-il, de s’en tenir là quant à leur rapprochement, et ce de façon irréductible. Placer la foi et la raison sur un même plan conduit à les comparer pour ensuite les fixer dans un rapport de valeur. La foi avant la raison ? La raison puis la foi ? La première hypothèse a produit la scolastique, c’est-à-dire l’emploi de la raison au service de la foi pour démontrer l’existence de Dieu et la réalité des Ecritures. L’échec fût cuisant. La preuve ontologique de l’existence de Dieu a volé en éclats avec les Modernes. L’essence en effet ne veut pas dire existence ou, en d’autres termes, la seule logique n’induit pas systématiquement une réalité concrète. Dieu ainsi n’en est resté qu’au stade de concept, d’idée. Le second point de vue condamne la foi. On ne peut raisonnablement s’inscrire dans la révélation parce que celle-ci est affaire de croyance.  La science par exemple ne l’admet pas. Il lui faut des faits, des phénomènes, de la tangibilité. Il lui faut de l’expérience qu’elle convertit ensuite en loi avec du raisonnement. Ce schéma de pensée est une construction hermétique à la foi. Par contre, cette construction n’est pas incompatible avec d’autres modes de pensée dès lors qu’on estime ceux-ci comme ayant chacun un objet essentiel qui lui correspond, indépendamment des autres. La science tend à mathématiser le monde pour le comprendre, la foi elle vise le salut de l’âme. Ces deux directions sont possibles dans un même esprit à condition qu’aucun pont ne les relie. Il s’agit plus de sauter de la foi à la raison et de la raison à la foi.