L'homme est un mystère sans fin

La capacité morale est peut-être ce qu’il y a de plus égalitaire entre les hommes, avec la finitude, encore que la mort, même si elle nous concerne tous, frappe chacun différemment. Avec la morale, l’être humain se représente ce qui doit être et ainsi il n’est pas enchaîné irrémédiablement à ce qui est. L’étant n’est pas à son encontre un monarque absolu. L’homme est capable de se gouverner, certainement pas totalement mais en partie au moins, et cette gouvernance est possible grâce à la morale. Celle-ci en effet autorise la liberté, et inversement. Point de liberté sans morale ; point de morale sans liberté. Morale et liberté sont ainsi intimement liées pour mener le pas, comme deux danseurs s’entraînant l’un l’autre, sans interruption, de par l’association de leurs corps en mouvement. Si nous n’étions pas des êtres moraux, nous ne serions que des animaux. La morale est ce plus par rapport à la nature qui fait toute la différence ; tel est son effet. Quant à sa cause, le mystère demeure. Est-elle physique dans le sens où elle serait une faculté née de la matière, une émanation matérielle dirions-nous, du fait d’un agencement atomique suffisamment complexe pour la produire ? Ou alors la morale est-elle métaphysique, c’est-à-dire qu’elle nous touche chacun, tel un doigt posé sur chaque âme, sans que nous en soyons pour nul aspect la cause originelle ? Point de réponse. Silence. A propos de ce qui est essentiel quant à déterminer l’homme, le propos nous échappe ; l’inconnu persiste, et peut-être en sera-t-il toujours ainsi. Dans ce qu’il est par essence, dans ce qui fonde son humanité, soit la morale, l’homme est un mystère sans fin.