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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

Obéir, est-ce renoncer à sa liberté ? - Une proposition de dissertation de philosophie

Obeir-liberte-devoir-dissertation-philosophie.jpgObéir, c’est accepter la contrainte. Il y a de la volonté dans l’obéissance ; à défaut il s’agit de soumission. Mais ce qui contraint altère la liberté. Est libre celui qui décide et fait ce qu’il lui plaît, sans être contraint par une pression extérieure. Ainsi, l’obéissance et la liberté sont de primes abords antinomiques. Néanmoins, peut-on être libre absolument ? Nous ne vivons pas isolés, ni en parfaite autarcie. Notre existence est conditionnée à des rapports externes, qu’ils s’agissent de subvenir à ses besoins primaires, comme de se réaliser soi-même. On est avec les autres, par autrui, et l’on se juge également selon lui. Comment dès lors la liberté peut-elle s’exprimer totalement une fois que nous nous trouvés plongés dans un monde où la relation et l’échange sont essentielles à sa subsistance ? Ne faut-il pas se priver de liberté, et donc obéir, pour vivre collectivement ? Autrement dit, obéir, est-ce renoncer à sa liberté ? Ou bien alors, l’obéissance est-elle un impératif indépassable pour que chacun puisse disposer de la liberté nécessaire pour disposer de lui-même ?

 

 

Les premières manifestations d’obéissance apparaissent lorsque le nourrisson accomplit ses premiers pas. Progressivement, il fait l’apprentissage d’une première source de liberté, celle de se déplacer. La liberté en effet se vit avant tout de façon spatiale. Est libre celui qui va où il veut. Notre système carcéral d’ailleurs interdit le condamné à se mouvoir comme il l’entend, l’emprisonnement étant une diminution de la liberté individuelle. Le petit d’homme, quant à lui, découvre très vite les joies d’aller et venir, le monde en s’ouvrant sous ses pieds devenant un terrain de jeu excitant. Mais bien vite il ressent, sans s’apercevoir, que les distances sont réductibles par des parents bienveillants. Il ne comprend pas, et les cris poussés sont à la hauteur d’une indignation sans artifice. L’autorité parentale est le premier acte culturel qui touche le tout jeune enfant, contraignant une faculté naturelle dont il fait depuis peu l’usage. Mais cette contrainte lui est salutaire car il ne sait pas les dangers auxquels il s’expose. Il lui faut obéir pour son bien. Pour l’enfant, obéir est un renoncement positif. L’éducation est donc une pression dont l’obéissance est un résultat. En renonçant, l’enfant remet son sort entre les mains de ses parents, il s’abandonne. Puis vient le temps où cet abandon devient conflictuel. L’adolescent admet de moins en moins une tension censée guider son comportement, au fur et à mesure qu’il devient autonome intellectuellement. La liberté s’inscrit en effet un peu plus dans son esprit et il reconnaît que l’obéissance en est le frein. Nous pouvons dire que le développement de l’enfant est une succession d’actes de subordination pour arriver jusqu’à l’âge adulte. Mais en toile de fond d’une autorité pressante, le bien-être est visé, car la liberté absolue est dangereuse.

 

Etre libre, c’est pouvoir dire et faire ce que l’on veut. Il y a donc une correspondance entre la liberté et la volonté. Cette dernière n’a pas de limite, contrairement à l’entendement. Je puis tout vouloir, l’inaccessible, le meilleur, mais aussi le plus mauvais. La liberté est une transposition en acte de la volonté. Mais alors tout vouloir et pouvoir porte le risque d’atteindre autrui, physiquement, moralement, ou les deux à la fois. Ce que je désire, ce que je veux, peut être à l’opposé des intérêts de celle ou celui qui se trouve devant moi. Si aucune limite ne s’impose à la liberté de faire, toute relation portant par ailleurs en elle le germe d’une discorde, seule la violence mettra un terme au désaccord. La liberté de l’un serait donc fondée sur l’abaissement de l’autre, touché peut-être dans sa chair. La loi du plus fort régirait les rapports entre consciences, ce qui n’est pas acceptable dans un environnement de droit où chacun est protégé. La liberté absolue ainsi se condamnerait elle-même. Il faut la donc relativiser pour ce qui est de son application pratique, et l’obéissance autorise ce relativisme. En obéissant, on renonce certes à sa liberté, mais pour partie seulement, en reconnaissant à autrui des droits identiques aux siens et sa capacité à les exercer, en acceptant également un avis divergent. Obéir, c’est aussi être libre dès lors que cette obéissance est au bénéfice de tous, qu’elle est partagée. Il s’agit dans ce cas d’une exigence réciproque, laquelle n’est pourtant pas toujours vraie sans que la liberté soit atteinte pour autant, pour ce qui concerne tout du moins la reconnaissance.

L’individu ne peut tout savoir. Nous l’avons dit, l’entendement est fini face à un monde infini. Il faut donc reconnaître que certaines choses nous échappent, à chacun, mais aussi comprendre que ce qui nous est inconnu, vague, inabordable, ne l’est pas pour d’autres. Les compétences sont partageables et s’en remettre à l’autorité de celui qui sait revient à accepter son message. Cette acceptation est une forme d’obéissance lorsqu’on emprunte le contenu d’un énoncé pour agir ou comprendre. L’échange est également à sens unique, mais la liberté ne s’en trouve pas entravée sous condition. Là-aussi, il s’agit d’accepter une proposition parce qu’elle est au service de celui qui la reçoit, et non pour assoir la domination de celui qui propose. Cette obéissance unilatérale n’est pas liberticide si elle est assise sur la reconnaissance et la confiance. L’équilibre est pourtant fragile, et le doute est donc nécessaire pour se préserver de tout dogmatisme et obscurantisme. Obéir n’empêche pas de douter, bien au contraire. Le doute est une expression de liberté, et ne jamais l’exercer empêche toute affirmation de soi. Obéir n’est pas non plus renoncer, parce que l’obéissance sans opposition laisse la place à la soumission et autorise les pires excès, tant sur le plan individuel que collectif.

 

Pourquoi obéir ? Nous le comprenons maintenant comme une nécessité d’exercice de la liberté par tous. A quoi obéir ? Aux parents s’agissant de l’éducation, à une autorité reconnue quant à des façons de faire, mais également à la loi pour vivre socialement. Sorti de son état de nature, l’homme s’est placé sous l’autorité d’une organisation chargée d’assurer sa protection, en contrepartie du respect de règles édictées pour le fonctionnement de cette même organisation. Il s’agit donc d’obéir pour le bien de tous et la liberté de chacun. Mais cette obéissance ne saurait être inconditionnelle. La loi est certes légale et son irrespect est une rupture de contrat qui oblige la sanction, mais la loi n’est pas forcément morale. La liberté sous-entendue dans la civilité peut être mise en danger lorsque la discrimination s’instaure, jusqu’à ce qu’une catégorie de la population soit exclue de tout dispositif réglementaire quand plus aucun droit ne lui est accordée. Il y a certes une nécessité dans la loi, mais point d’impérativité indépassable. Obéir à une règle scélérate en s’estimant libre d’accepter celle-ci conduit à se rendre complice d’un forfait peut-être légal, mais inhumain. Il y a plus que la loi, c’est-à-dire le respect de l’homme. Obéir, c’est aussi résister contre tout aveuglement qui serait une négation de l’humanité. Ainsi, avec la résistance, la liberté et l’obéissance s’accordent. Comme le pensait le philosophe Alain, ne point obéir absolument conduit à l’anarchie, ne point résister dans l’absolu favorise la tyrannie. Personne n’est jamais libre dans un système tyrannique, y compris ceux qui tyrannisent, effrayés à l’idée d’être à leur tour tyrannisés.

 

 

L’obéissance est nécessaire à la liberté. Certes, en obéissant, on renonce à sa liberté, mais pour partie seulement, parce qu’être libre absolument est impossible sans violence. La liberté se perd sur ce terrain, elle se nie elle-même en devenant liberticide. Obéir est ce qui permet d’être libre, mais l’exercice est difficile. Les frontières sont floues quant à l’obéissance participative de la liberté, entre la soumission, le renoncement, ou la résistance. Le doute est un garde-fou important, mais encore faut-il disposer de références pour douter de façon à s’éviter tout nihilisme. Des valeurs pour cela ne seraient-elles pas nécessaires ?

 

A lire également, Un jour sur Terre, un retour quotidien sur l'actualité, des analyses, des commentaires, des critiques. Le lien pour la lecture : https://touteactu.blogspot.fr/

 

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B
ml rédigé
Répondre
M
D'accord