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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

La conscience, le subconscient, l'inconscient...ou lorsque Freud s'oppose à la vision classique à propos de la conscience

Conscience-subconscient-inconscient-freud-psychanalyse.jpgL’homme est une conscience posée sur un corps animal. Il est capable de penser le monde, autrui, et lui-même. Il est conscient de soi, et cette conscience lui permet de mieux se connaître. Il agit également en conscience, en parlant, riant, pleurant, chantant, aimant…Pour autant, sommes-nous toujours conscients ? N’y-a-t-il pas des instants de notre vie qui sortent du champ de la conscience ? Avons-nous conscience de tout ? Et ce que l’on pense décider est-il véritablement le fruit d’une conscience volontaire ? Autrement dit, n’existe-t-il pas quelque chose hors de la conscience, un inconscient, qui nous accompagne, nous influence, voire nous gouverne ?

 

 

La vision classique à propos de la conscience…

 

La vision classique concernant la conscience est dominée dans l’histoire de la philosophie par la pensée cartésienne. Selon Descartes, l’âme est conscience et rien ne lui échappe. Si l’homme existe, c’est parce qu’il pense, et cette pensée ne s’arrête jamais. Le postulat cartésien est de considérer que toute pensée est conscience, et ce qui ne relève pas de la conscience appartient au corps, à la matière. Ainsi, l’âme doit penser, et ce consciemment, pour exister toujours. Le reste est du domaine corporel, selon le dualisme théorisé par Descartes : […] je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui pour être n'a besoin d'aucun lieu ni ne dépend d'aucune chose matérielle ; en sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaître que lui et qu'encore qu'il ne fût point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est » (Descartes –Extrait du  Discours de la méthode). Je pense donc je suis, mais alors que se passe-t-il dès lors que je ne pense pas ? Il y a certes la mort qui anéantit définitivement la pensée, mais avec elle la question de l’existence ne se pose plus. Mais que dire de ces états qui traversent le vivant, comme le sommeil, ou malheureusement le coma ? Dans ces deux cas, la pensée consciente s’absente, et pourtant impossible de prétendre que le sujet n’est plus. Que dire également de l’inattention, ou de la distraction. Être inattentif, ou distrait, c’est être en inadéquation avec le réel, être en décalage par rapport à ce que demande l’instant présent, soit le contraire d’un état conscient.

Les principales réponses aux objections à la vision classique de la conscience sont de deux ordres. Le premier revient à considérer que la conscience peut subir des périodes d’intermittence, période durant laquelle elle n’est plus active, sans pour autant que la continuité de l’âme soit remise en cause. Cette considération est un point de vue partagé par des cartésiens comme Leibniz et Spinoza. La seconde proposition abandonne l’idée que l’âme et la pensée soient indissociables. En d’autres termes, l’âme est indépendante de la pensée ; elle existe non par elle, mais avec elle. Même Descartes n’exclut pas la reconnaissance de quelque chose en plus de la conscience, soit une inconscience. Mais il renvoie celle-ci au travail de mémoire. Selon lui, l’âme oublie des pensées qui l’ont animée. Cette affirmation cependant n’est pas suffisante. C’est ce qui motive Leibniz à aller plus loin dans la réflexion à propos du champ de la conscience. Il en déduit la théorie des « petites perceptions », considérant que la perception comporte des degrés infinitésimaux, soient des objets qui pris isolément sont imperceptibles pour nos sens, mais dont la somme conduit à un résultat fini et qui peut être saisi par conscience : « D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites ou en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à part, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir au moins confusément dans l'assemblage » (Leibniz – Extrait des Nouveaux essais sur l’entendement  humain – La théorie des petites perceptions). Ainsi, lorsqu’un seuil quantitatif est franchi, le sujet peut avoir conscience de ce qui est. Ce franchissement transforme la sensation, c’est-à-dire ce que nous sentons sans nous en rendre compte, en perception. Leibniz conclut donc que ce qui est senti mais non perçu appartient à l’inconscient et que toute conscience est donc fonction d’une marge d’inconscience. Par conséquence, ce qui est une pensée consciente pourrait se former sur la base de ce qui précédemment ne lui appartient pas mais se situe dans l’inconscient. Leibniz poursuit également sur une distinction très importante : l’attention. Ce qui est conscient l’est parce que le sujet y prête une attention, comme cela est le cas concernant une nouveauté : « […] mais ces impressions qui sont dans l'âme et dans le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notre mémoire, attachées à des objets plus occupants ». La conscience repose donc sur une attention du sujet vis-à-vis d’un objet, et le sujet est attentif parce qu’il en exprime la volonté. Ainsi, la volonté, le fait de tendre vers quelque chose, est un critère déterminant entre la conscience et ce que l’on peut dénommer le subconscient, au lieu de l’inconscient qui appartient plus au vocabulaire de la psychanalyse. Bergson s’inscrit dans cette idée, en considérant que la vie psychique se partage entre une attention volontaire portant sur l’existant, et ce qui tombe dans l’inattention, là où la volonté n’agit pas, comme pour les souvenirs. Bergson partage la vision classique de la conscience, mais il ajoute que celle-ci n’est pas seule. Existe ce qui n’est pas conscient et qui pourtant concerne le sujet, lui appartient. Mais cette partie est selon lui d’ordre mécanique et concerne exclusivement le corps. Cette idée, également partagée par Alain, suppose que l’attention à certains moments diminue suffisamment, jusqu’à disparaître, et alors c’est le subconscient qui entre en action. Ainsi en va-t-il, selon Bergson, de la dynamique du rêve : « Mais supposez qu'à un moment donné je me désintéresse de la situation présente, de l'action pressante, enfin de ce qui concentrait sur un seul point toutes les activités de la mémoire. Supposez, en d'autres termes, que je m'endorme. Alors ces souvenirs immobiles, sentant que je viens d'écarter l'obstacle, de soulever la trappe qui les maintenait dans le sous-sol de la conscience, se mettent en mouvement. Ils se lèvent, ils s'agitent, ils exécutent, dans la nuit de l'inconscient, une immense danse macabre. Et, tous ensemble, ils courent à la porte qui vient de s'entrouvrir » (Bergson – Extrait de L’énergie spirituelle).

 

La théorie classique à propos de la conscience considère que la pensée est organisée, intentionnelle. Elle appelle la conscience. Et cette conscience, en acte, se détermine par des choix. D’ailleurs, la conscience est d’autant plus vive que le choix est lié à une situation dont la portée, les conséquences, sont importantes pour le sujet. Le subconscient, soit ce qui n’est pas conscient, n’est pas exclu de cette vision. Mais la doctrine classique l’analyse comme le réceptacle d’habitudes, d’automatismes, auxquels le sujet n’échappe pas, mais qui ne sont qu’une machinerie corporelle ordinaire. Aucune force, ni volonté, n’est accordé à cette partie inconsciente, ce que contredit Freud.

 

 

…contredite par l’inconscient freudien

 

Freud considère, contrairement à la vision classique, que l’inconscient est organisé et volontaire. L’idée qu’un mécanisme corporel puisse régir ce qui n’est pas conscient, et ce sans intentionnalité, n’est selon lui pas conforme à la réalité de la vie psychique. A propos du rêve, il estime insuffisante la proposition qui est de le décrire comme un moment d’inattention, de relâchement de la conscience au profit de manifestations subconscientes. Freud pose la question suivante : qu’est-ce qui motivent ces phénomènes produits par le subconscient ? Il doit y avoir une raison à ce que le rêve soit peuplé d’images et de sons qui n’appartiennent qu’au sujet rêvant, et à personne d’autres, sauf à se confier à autrui. Pour Freud, le rêve s’inscrit dans une forme d’intentionnalité, et sa thèse soutient que l’intention qui parcourt le rêve est liée à la volonté de réalisation d’un désir, non satisfait réellement. Le rêve serait ainsi une compensation vis-à-vis de ce qui n’a pas ou pu être fait dans la réalité, bien que désiré. Rêver consisterait à réaliser sur un plan imaginaire. Pour autant, le rêve n’en est pas moins confus, chaotique. Au premier abord, le souvenir d’un rêve laisse au sujet une impression de non-sens, d’incohérence. Freud explique que ce défaut de structuration résulte de la censure qui parcourt l’adulte. Celui-ci en effet se soumet à un juge intérieur, le surmoi, qui lui interdit de réaliser certains types d’actes jugés contraire à la morale qui est la sienne. Le surmoi, qui appartient à l’inconscient, veille ainsi sur le moi conscient. C’est en quelque sorte un garde-fou, dont le sujet n’a pas conscience, mais qui pourtant agit sur lui, et ce de façon volontaire, intentionnelle. Le rêve n’échappe pas à la censure, mais les manifestations subconscientes étant plus nombreuses, les choses à censurer le sont également. D’où des allers-retours plus conséquents entre objets désirés et rêvés vers ce qui est plus anodin, ce qui crée de la confusion.

Le postulat freudien repose ainsi sur une interaction entre la conscience et l’inconscient. Pour simplifier, le sujet est soumis à un désir inconscient, lequel se frotte à la conscience dans une lutte entre le surmoi et le moi. De cet affrontement, ce qui est permis devient conscient, et ce qui est interdit se maintient dans l’inconscient, pour donner lieu à un refoulement. Mais ce qui est refoulé, avec la censure, n’est pas pour autant supprimé du psychisme. L’inconscient conserve, il a valeur de mémoire, mais il est aussi dynamique. Il force aussi bien le rêve que le réel. Ainsi en va-t-il de l’acte manqué, dont le sujet se sent étranger bien qu’il l’ait accompli. Cette étrangeté n’est que la conséquence d’un inconscient agissant dans la réalité, alors que c’est la conscience qui ordinairement occupe le présent. Un acte manqué diffère d’un comportement conscient sur un seul point : il est ignoré du sujet au moment où celui-ci l’exécute. Mais l’acte manqué n’est pas pour autant une erreur, ou une maladresse. Pour Freud, il a un sens, celui de révéler la véritable tendance qui anime le sujet. S’agissant en effet d’une remontée à la surface pilotée par l’inconscient d’un désir enfoui, ceci renseigne sur la personnalité car le sujet n’est plus dans une maîtrise de soi insincère.

 

La question qui se pose maintenant est de savoir ce qui constitue la dynamique de l’inconscient. Autrement dit, qu’est-ce qui crée le désir inconscient ? Freud répond lui-même : la sexualité. Selon la théorie freudienne, le fondement de tout désir a une connotation sexuelle. Tout être humain dispose d’une énergie vitale, la libido, qui appelle à se développer chez le sujet dès la petite enfance, pour qu’ensuite l’adulte soit prêt à procréer. Mais ce développement à l’intérieur de soi intérieur ne se fait pas indépendamment de toute extériorité, comme à l’abri de toute influence extérieure. Au contraire, l’éducation reçue par exemple s’insère dans ce processus de détermination sexuelle. Cette insertion n’est pas sans conséquence sur la vie à venir de l’adulte. Si certaines phases de développement ont été contrariées, selon l’importance de ces contrariétés, des nœuds psychiques peuvent se former et être à l’origine de névroses. Un comportement infantile chez l’adulte serait ainsi le signe qu’une étape du développement de la libido a été perturbée, et alors le sujet tenterait de revenir en arrière, sous la forme de désirs dont la nature est incohérente avec son âge, pour cette fois-ci franchir ce qui aurait dû l’être mais ne l’a pas été. Il s’agit ici d’une régression.

Freud nous enseigne également que la dynamique de l’inconscient s’appuie sur les blessures du passé, dont la charge émotionnelle provoquée par chacune se loge hors du champ de la conscience, car le sujet veut oublier. Sauf que celui-ci ne commande pas sa mémoire. Même si le temps passe, le ressenti de moments douloureux est devenu souvenirs inconscients. Il suffit qu’une situation comparable à celle qui causa la douleur se présente pour que la charge émotionnelle, retenue dans l’inconscient, réprimée même, se libère pour s’exprimer, et s’ajoute à l’émotion présente. Ce mécanisme psychique crée donc de l’excès chez le sujet, qui réagit doublement devant un seul évènement. Cette réaction excessive est bien souvent incomprise, car l’on juge ordinairement selon les parties en présence. C’est ainsi que l’on dit de quelqu’un qu’il est « hors de lui ». En effet, il ne se maîtrise plus bien qu’il agisse, car c’est l’inconscient qui, seul, le guide. La conscience, dans ce qu’elle a d’intentionnel, s’en est allée, pour ne plus être que spectatrice d’une décharge émotionnelle. Ceci laisse à penser que le passé est bien plus présent en nous que nous ne l’affirmons. Doit-on alors, pour chaque acte, se garder de toute émotion ? Il faut pour y répondre apporter une différence, qui est celle entre l’émotion et la sensibilité. Il ne s’agit pas de devenir insensible, comme un monstre froid, mais de vivre présentement, de sentir au présent. La sensibilité qui s’ouvre au présent est le sentiment, et il en faut à l’homme pour s’accomplir. L’émotion par contre, perturbe la sensibilité, car elle s’accroche à une expérience passée, et donc empêche de vivre totalement le temps présent qui pourtant est le seul nous appartenant. On ne peut en effet plus faire grand-chose du passé, tandis que le futur n’existe pas.

 

 

Dire aujourd’hui que la conscience est un état de veille permanent n’a guère de sens. Mais il existe différents degrés de conscience, jusqu’à peut-être un point zéro, qui est le début de l’inconscient. Je dis peut-être car l’inconscient et le rôle déterminant que lui prête la psychanalyse sont une hypothèse. Il n’en reste pas moins que si inconscient ou autre chose il y a, seule la conscience peut nous le révéler, ce qui peut entraîner la volonté d’élargir le champ de la conscience, et cet élargissement dans tous les cas ne sera que profitable au sujet. L’hypothèse de l’inconscient a également le mérite de poser la question suivante : qui suis-je réellement ? Cette question est nécessaire au bien-être, car la réponse en est une clef : se connaître soi pour agir en conséquence, conformément à ce que l’on est, et ainsi donner un sens approprié à sa vie. Et la connaissance, c’est la lumière, et pour l’atteindre, il nous faut bien un point de départ, soit l’obscurité.

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