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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

Sur la passion...ou la passion comme élan vital

Passion.jpgLes passions sont communément pensées en tant que rapport entre un sujet et un objet. Je suis passionné de quelque chose, pense-t-on. On y décèle ainsi  de l’intentionnalité, soit une direction de la conscience vers une chose, le tout versant dans un état passionnel parce qu’exclusif. Cette exclusivité, c’est le désir avant tout qui en est la cause. Point de passion sans désirer ce qui me passionne. L’inverse par contre n’est pas systématique. Je puis avoir du désir sans que l’objet désiré ne me transforme en un sujet passionné. C’est ainsi qu’il n’est pas tout à fait exact de considérer la passion comme une dualité entre un sujet et un objet. Autrement dit, la passion n’est pas dans l’objet. Seul le sujet se passionne. L’objet est uniquement un accessoire. Il donne matière à un sentiment qui lui est antérieur. Seul le sujet est l’auteur de sa passion, ou à tout le moins en est-il le producteur. En effet, l’état passionnel coïncide guère avec la liberté du sujet et donc avec sa responsabilité. Etre passionné est une tension de l’âme, tension qui creuse un sillon dans lequel on est engagé, tension qui crée de la nécessité. Passionné, il devient absolument impératif que le désir à l’origine de la passion soit satisfait, et la passion maintient durablement cette impérativité. Il faut dès lors que le réel s’arrange avec cette avidité. De cette obligation naissent d’ailleurs l’illusion et l’esseulement. On s’illusionne avec la passion car le passionné cherche à la justifier, pour se justifier lui-même compte tenu de la prégnance identitaire de son état passionnel. Il y a ainsi dans la passion une certaine logique, mais celle-ci est particulièrement égocentrique. Il s’agit là d’un calcul introspectif, d’une loi intime difficilement atteignable pour l’extérieur. D’ailleurs, la passion, dont la charge émotionnelle qu’elle produit est très forte, contourne autrui et le monde. Autrui devient un autre, un moyen d’atteindre un but, un objet qui donne corps à la passion. On serait donc tenté de croire que la passion est puissante, mais cela n’est pas le cas. La passion, ne l’oublions pas, est un effet commandé par le désir. L’objet n’y peut donc rien. La passion disparaît si le désir s’éteint. Que l’objet ne soit plus conforme aux attentes, la passion existe toujours, mais elle change de teinte. De claire lorsqu’elle touche l’amour, la passion devient sombre avec la haine qu’inspire désormais l’objet dépassé. Le passionné en effet pense être trahi. Il lui faut un objet, encore et toujours…

Avec la passion, le sujet se heurte à lui-même. La passion s’inscrit dans une intériorité radicale, intériorité qui pourtant vise l’extérieur. De cette intention découle un processus de cristallisation, processus par lequel le sujet accorde une valeur à un objet qui, valorisé, matérialise ainsi la passion. C’est cette valeur qui entretient le rapport passionnel. La passion se crée donc un univers valorisant qu’elle entretient ensuite. La passion est ainsi un cercle construit dans l’intimité mais qui pourtant emprisonne l’objet en son sein. Passionné, on prend, on ne donne pas. Que l’objet déborde ou s’échappe du cercle, le sujet souffre. Et la raison dans tout cela ? Est-elle totalement exclue de tout processus passionnel ? Si oui, cela signifierait qu’il existe plusieurs « moi », un moi intellectuel et un moi passionnel, ce qui ne saurait être le cas. En effet, la passion ne se possède pas, comme une partie d’un tout que l’on détiendrait et dont on pourrait se débarrasser en tant que propriétaire. Il n’y a pas plusieurs moi, mais un soi, c’es-à-dire soi-même. La passion, ou parlons plutôt dès à présent de force passionnelle, nous anime chacun. Cette force, c’est la vie ! Cette force, c’est ce qui nous permet d’avancer ! La souffrance vient une fois que le sujet utilise cette force pour se construire une prison dans laquelle il s’enferme avec son objet passionnel. Le sujet souffre aussi lorsque ne coïncident plus sa force passionnelle, cette sorte d’élan vital dirons-nous, et l’emploi qu’il en fait. Cette discordance peut conduire à un jugement de soi inique, sans appel, dont la sanction est une division intérieure qui déséquilibre le tout radical et indivisible qu’est pourtant le sujet. Il y a là une contradiction insupportable et paralysante. Vaincre cette paralysie n’est pas pour autant s’exonérer de toute passion, bien au contraire. Nous l’avons dit, la vie est passion. Que l’intellect cherche à vider l’existence de tout entrain passionnel, c’est alors se condamner soi-même à vivre moins. Il est question plutôt de savoir dissocier la passion de l’objet, de casser un rapport qui est devenue une dualité, cassure possible sans s’amoindrir soi-même car cette dissociation touche un rapport entre le sujet et quelque chose de passionnant, et non le sujet dans son entièreté. Vivre tout à la fois passionnément et intensément suppose donc de porter la passion avec soi sans la charger d’objet. N’en va-t-il pas ainsi de l’amour, qui ne saurait bien-sûr naitre sans passion, mais n’est véritable et donc durable que dans une relation de sujets passionnés et non dans une dualité réciproque entre sujet et objet. L’amour est ainsi une communion passionnelle, et non la simple satisfaction de désirs.

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