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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

L'insuffisance des preuves de l'existence de Dieu...ou le mystère de l'être en réponse

Insuffisance-preuve-dieu.jpg« Dieu est mort » affirmait Nietzsche dans Le Gai Savoir. Cette formule célèbre du penseur allemand signifiait que la morale ne devait plus être assise sur des codes religieux prétendus dictés par un commandement divin, et non pas que Dieu n’existait plus physiquement. Cette fin physique est impossible, Dieu n’existant pas matériellement. Aucune preuve de son existence n’a pu être donnée, bien que bon nombre d’auteurs, de penseurs, de philosophes, s’y soient essayés. Trois grandes idées ressortent de ces tentatives démonstratives sur la présence du divin. Dans un premier temps, on distingue la preuve ontologique de Dieu, qui consiste à considérer que Dieu existe par définition, ou encore par essence, comme le supposa Descartes dans les Méditations métaphysiques : « […] en sorte qu'il n'y a pas moins de répugnance de concevoir un Dieu (c'est-à-dire un être souverainement parfait) auquel manque l'existence (c'est-à-dire auquel manque quelque perfection), que de concevoir une montagne qui n'ait point de vallée ». Puisque Dieu est un être infini, éternel, supérieur et parfait, il ne peut qu’être, car sinon il ne serait pas ce qui le caractérise. Autrement dit, une entité dotée d’une perfection absolue ne peut qu’exister ; à défaut, elle est imparfaite, ce qui contredit la définition qui en est faite. Sauf que l’énoncé d’une proposition ne suffit pas à prouver que celle-ci soit vraie. Voilà qui serait trop simple ou dangereux. Si tel était le cas, il me suffirait par exemple de me dire riche pour que je le sois. Le concept s’appuie sur le monde, le décrit, et non l’inverse. Le possible n’est réel qu’une fois accompli et observable. Cependant, Descartes n’en reste pas à la preuve par définition. Il s’appuie sur les effets pour donner une autre justification de l’existence de Dieu. Ainsi, il estime que l’idée de Dieu en tant qu’être infini et parfait, comme toute autre chose, a une cause. Et selon lui, sachant qu’« il doit y avoir autant de réalité dans la cause que dans son effet », la cause ne peut être qu’infinie et parfaite, c’est-à-dire Dieu. Là-aussi, l’argumentaire de Descartes est contestable pour la simple et bonne raison que rien ne prouve que la réalité soit identique entre la cause et l’effet. A titre d’exemple, les atomes qui constituent le cerveau humain, et qui donc en sont la cause, ne pensent pas, bien que l’activité cérébrale se caractérise, elle, par la pensée.

 

Le deuxième axe de réflexion tendant à démontrer l’existence de Dieu s’appuie sur le principe de raison suffisante développé par Leibniz. Tout effet a une cause, qui s’explique grâce à la raison, et le monde ne peut échapper à cette causalité. Seulement le monde est incapable de s’expliquer par lui-même, de justifier ce qu’il est. Il est d’ailleurs, intrinsèquement, soumis à la contingence : il aurait pu ne pas être, ou différemment. La nécessité serait ainsi à rechercher à l’extérieur du monde, vers quelque chose qui soit échappe à toute dimension contingente. Ainsi, Dieu se présente comme la seule entité capable de tenir ce rôle, en tant que cause initiale et nécessaire qui produit le premier effet à l’origine de toutes les causes à venir et des évènements qui leur sont associés. Cette proposition reconnaît à la raison la capacité de tout expliquer, et permet de se préserver de toute pensée vertigineuse pour ce qui est de la contingence. Mais il s’agit-là d’un postulat, voire d’une façon de se détourner de l’angoisse liée au silence de l’Univers. Pourquoi d’ailleurs n’y aurait-il pas de mystères, de choses qui échapperaient à la raison ? Et la raison ne peut-elle pas être aussi déraisonnable ? Qu’est-ce qui nous certifie que sur certains points nous ne déraisonnons pas ? Faut-il aussi refuser l’absurde ? Tout est-il si nécessaire qu’on veuille bien l’admettre ? En outre, la nécessité qui s’appuie sur le principe de raison suffisante concerne-t-elle Dieu, qui plus est idéalisé sous des traits anthropomorphiques ? Le panthéisme spinoziste par exemple ne reconnaît aucune conscience, ni volonté, ni amour, à cette nécessité originelle. La Substance, telle qu’il la nomme, correspond plus à la Nature qui est neutre, sans discours, sans commandement.

 

La dernière assertion significative se base sur l’observation du monde, plus particulièrement sur son ordonnancement. Il s’agit d’une preuve à postériori, que l’on retrouve notamment chez Rousseau et Voltaire. La proposition est la suivante : le hasard ne peut être à l’origine d’un monde si bien organisé ; l’ordre suppose une action intelligente pour le fonder. C’est ce qu’explique Voltaire, même se celui-ci reconnaît que la raison peut observer l’arrangement de la matière sans pour autant prouver qui a produit cette matière : « Tout ouvrage qui nous montre des moyens et une fin, annonce un ouvrier ; donc cet univers, composé de ressorts, de moyens dont chacun a sa fin, découvre un ouvrier très-puissant, très-intelligent. Voilà une probabilité qui approche de la plus grande certitude ; mais cet artisan suprême est-il infini ? est-il partout ? est-il en un lieu ? comment répondre à cette question avec notre intelligence bornée et nos faibles connaissances ? Ma seule raison me prouve un être qui a arrangé la matière de ce monde ; mais ma raison est impuissante à me prouver qu’il ait fait cette matière, qu’il l’ait tirée du néant » (Voltaire - Dictionnaire philosophique – Dieu. Dieux – Section première). Seulement cette vision du vivant est strictement mécaniste, alors que la science aujourd’hui nous décrit un monde régie par des lois dynamiques, basées sur l’énergie, sans prédestination. Ainsi, la sélection naturelle, qui explique l’évolution de la vie, exclut tout programme providentiel. Certes un ordre se crée, mais il est le fruit des diverses mutations qui parcourt le vivant, et la physique nous apprend qu’il existe des lois à l’origine de ce qui est observé. Pour autant, la science n’est pas parvenue à ce jour à identifier leur cause. Y parviendra-t-elle dans l’avenir ? Les dernières observations opérées par les astrophysiciens sur le rayonnement fossile laissé par la première lumière émise dans l’espace à la suite du Big-bang, apporteront peut-être quelques nouveaux éclaircissements sur le phénomène de la création. Mais là-aussi, une explication en appellera certainement une autre, à savoir qui ou quoi a allumé la mèche. Ou alors, pour reprendre Aristote, l’homme s’arrêtera quelque part pour ce qui est de connaître, dans l’impossibilité à jamais de répondre à la chose suivante et qui dépasse même l’existence de Dieu : pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Cette question va au-delà de tout, y compris de la nécessité, de l’éternité, de l’infini, car ils n’y répondent pas. La seule posture raisonnable vis-à-vis de cette interrogation peut être la suivante : considérer l’être comme un mystère, inexplicable, sans pour autant refuser de s’en étonner. En effet, ce sujet, même s’il n’appelle aucune réponse, n’en reste pas moins passionnant, étourdissant, et permet de s’élever en conscience pour s’arracher de la banalité.

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D
<br /> Vous vous attaquez là à à la pensée qui poursuit l'être humain toute sa vie. Je serais plutôt séduite par la pensée de Voltaire et si je ne crois pas en Dieu comme les religions nous le représente,<br /> je pense que la perfection de la nature ne peut pas être un hasard. Mais je ne veux pas me torturer l'esprit. Alors, j'admire et j'attends. Peut-être après la mort en saurai-je un peu plus ?<br /> Pourquoi pas. Si ce n'est pas le cas, je n'en saurai rien de toute façon et j'aurai laissé ma petite trace dans le monde comme nous tous. La mort est peut-être une petite porte qui conduit vers un<br /> ailleurs ou un trou sans fond, ou l'absence de tout. Je préfère la petite porte vers un ailleurs. J'aime trop l'aventure.<br /> <br /> <br />
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