Le mystérieux chemin de la pensée à la plume

Qu’il est mystérieux le chemin qui va de la pensée à la plume, lorsqu’est déversé avec plusieurs mots ce qui se trouve logé au plus profond de soi. Ce qu’il y a d’étrange est la transformation d’une immatérialité en une chose sensible, la feuille manuscrite. Il y a comme du surnaturel dans ce procès, parce que la nature n’est pas capable de telle transmutation. On appelle cela de la culture, ou encore des arts lorsqu’il s’agit de matérialiser une part de vie intérieure, avec le son, la couleur, les mots ou encore les gestes. Le corps qui danse n’est en effet pas qu’un plaisir sensuel. La gestuelle rythmée est porteuse d’un message, volontaire ou pas, selon qu’elle est calculée, maîtrisée, maladroite. L’homme est en quelque sorte son propre média entre l’esprit et le monde, parce qu’il est esprit et appartient au monde. Mais cette médiatisation n’est-elle pas sujette à quelques perditions ? Le mot, le geste, le discours, restitue-t-il toute l’étendue d’une pensée, fidèlement ? Il est peut-être des profondeurs qui à jamais sont insondables, ou alors ne remontent à la surface qu’impétueusement, éclaboussant le sujet alors que celui-ci se pense bien au sec. L’homme est un formidable encrier, mais la plume n’a peut-être pas la pointe suffisamment affûtée pour absorber en ses contours l’encre qui s’y trouve déposée.