21 Août 2012
Le Beau a cela de mystérieux qu’il est identifié sur la base d’un jugement personnel tout en recueillant une reconnaissance générale. Le goût pourtant est singulier, il appartient à chacun, il est dans la subjectivité, et c’est bien le goût qui nous fait dire que la chose est belle. Mais la beauté parfois en devient universelle pour atteindre le statut de Beau. Sommes-nous alors en présence d’une chose qui est belle en soi qu’on ne saurait refuser sa dimension esthétique ? Si l’on considère que la réalité n’est qu’affaire de représentations, le réel en soi nous est interdit car nous ne pouvons percevoir et juger sans conscience. Il y dans chaque chose quelque chose de nous. Nous ne pouvons pas nous dépasser totalement pour s’extraire du rapport entre sujet et objet. L’objectivité telle qu’on la désigne ne peut être dans ce cas un accord entre nous-mêmes et ce qui nous serait complétement extérieur. Il n’existe pas de référentiel autonome de la pensée sur lequel s’appuyer pour attester du caractère objectif, ou pas, d’une représentation du réel. Ainsi, il en va du Beau. Aucun critère au-delà de toute considération humaine ne nous autorise à analyser esthétiquement telle partie du réel. Le goût est donc notre support, en ayant les traits d’un média entre le Beau et nous-mêmes. Sauf qu’il s’agit d’une apparence ; le goût n’est pas un relais du Beau, mais en est la construction, interprétation oblige. Cette construction est partagée dès lors que le Beau obtient tous les suffrages quant à sa qualité. L’objectivité, à propos du Beau, comme d’autres choses, tient dans un partage immanent et non dans une relation transcendante. Ou alors peut-on dire, à la suite d’Hegel, que l’objectivité est le signe de reconnaissance d’une transcendance au sein de l’immanence. Ainsi, ce qui est beau est immanent, mais nous transcende également parce que le goût, même s’il nous appartient personnellement, confirme ce que d’autres ont jugé comme tel. Cette correspondance est en outre nécessaire ; peu importe les conditions, le climat, le lieu, nous trouverons irrémédiablement la chose belle. C’est pourquoi l’universalité n’est pas la réunion aléatoire d’avis semblables à un instant donné. Elle est en quelque sorte une convergence vers quelque chose qui nous distance, comme le Beau, bien que nous en soyons chacun à l’origine. Nous reconnaissons ce qui nous est propre, authentique, avec un sentiment d’étrangeté.