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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

L'isolement pour raréfier l'impression d'être seul

Solitude-isolement-philosophie.jpgLa solitude n’est pas l’isolement, ni l’inverse d’ailleurs. Ils sont cependant le fruit d’une même source : la conscience que peut avoir le sujet de lui-même et de sa place dans le monde. L’isolement est un fait, un constat physique. Isolé, je me démarque des autres, d’un groupe, d’une communauté. Je suis seul physiquement et pour dépasser cet état, il m’est possible de rejoindre les autres. Leur présence, sans parole, peut me suffire. Roquentin, le héros de Sartre dans La Nausée, dont l’existence se confond avec l’isolement, passe tout de même une majeure partie de son temps au café. Le chagrin, la souffrance, la passion, sont aussi des facteurs isolant. Je me sépare des autres pour cacher mes larmes. Je me passionne pour une chose jusqu’à me couper du monde si celui-ci n’adhère pas à ma passion…L’isolement peut être passager ou durable, volontaire ou involontaire, douloureux ou vivifiant. Il s’apprécie en définitive vis-à-vis d’autrui. Je suis isolé parce que je ne suis avec personne, ce qui permet également de révéler l’importance d’autrui que je ne soupçonnais pas lorsque celui-ci était à mes côtés, comme Robinson sur sa plage déserte : « Je sais maintenant que chaque homme porte en lui et comme au-dessus de lui un fragile et complexe échafaudage d’habitudes, réponses, réflexes, mécanismes, préoccupations, rêves et implications qui s’est formé et continue à se transformer par les attouchements perpétuels de ses semblables. Privée de sève, cette délicate efflorescence s’étiole et se désagrège. Autrui, pièce maîtresse de mon univers… » (Extrait de Vendredi ou les limbes du Pacifique – Michel Tournier). La solitude par contre est un sentiment. Que l’isolement puisse favoriser ce sentiment, cela est certain, mais pas systématique. On peut très bien aussi être accompagné, à deux ou à plusieurs, et se sentir seul. L’apparence qualifierait volontiers cette réaction de paradoxal, mais alors elle se tromperait. Se sentir seul est universel et ne dépend pas d’autrui. Se sentir seul renvoie à la conscience que l’on a de soi, ou plutôt de comprendre que l’on est, en plus d’être un corps, une conscience inatteignable par quiconque dans l’absolu. Personne ne peut penser à ma place. Je ne peux pas non plus donner ma vie à un autre. Je peux certes partager des instants, m’accorder avec quelqu’un, jusqu’à l’aimer, ou alors le détester, comme un accord négatif, mais jamais ma conscience ne pourra pénétrer celle qui me fait face, jamais ma personne ne fusionnera avec une autre. Je suis donc définitivement seul avec ma conscience. Sans verser dans le solipsisme, il serait inepte d’affirmer ne pas être seul, comme pour refuser ce qui me déplaît alors que c’est de ma condition d’homme dont il s’agit. Il n’est pas question non plus, en se disant seul parce que je suis, de négliger ses relations avec autrui. La solitude est notre lot commun mais elle n’oblige pas à s’isoler, à condition de savoir associer solitude et isolement. Il est nécessaire parfois d’être seul pour réfléchir, prendre du recul, se trouver et non se retrouver car l’on est jamais le même pour toujours, pour mieux échanger ensuite avec d’autres et ainsi s’échapper partiellement. Maîtrisé, l’isolement raréfie l’impression d’être seul.

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M
on se sent seul quand on a perdu l'énergie qui nous relie à l'autre
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