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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

De l’audace pour la mise en place du revenu universel

Revenu universelLa crise économique qui perdure et le chômage de masse qui s’est installé depuis une trentaine d’années ont relancé le concept d’un revenu universel en France, soit une somme versée à tout individu sans condition de ressource, ni réalisation d’une quelconque prestation. Cette idée n’est pas neuve mais elle a retrouvé une certaine fraicheur après des décennies productivistes marquées par le plein-emploi. D’actualité ou pas, le revenu universel n’en suscite pas moins beaucoup de débat aujourd’hui comme hier, le fantasme n’étant jamais très loin d’une véritable réflexion sur le sujet. Ses détracteurs le voient au mieux comme relevant d’une utopie à jamais prisonnière de son état, au pire comme une menace pour l’équilibre de notre société fondée sur le travail. Ses partisans à l’inverse l’envisagent en tant que nouveau modèle pour succéder à un Etat-providence à bout de souffle.

Le revenu universel ne laisse donc pas indifférent puisque sa mise en œuvre est de nature à réformer profondément nos modes d’organisation sociale. Il nécessite tout d’abord de réviser notre rapport au travail puisque le salaire se trouverait en quelque sorte concurrencer par un revenu sans condition. Cette révision est une difficulté de fond car elle touche aux valeurs. Est-il admissible de recevoir de l’argent sans rien faire ? La question ainsi posée est certes très prosaïque mais la réponse peut être le ressort pour que le revenu universel devienne effectif. Répondre par l’affirmative ne conduirait-il pas pour autant à encourager la paresse, laquelle serait une atteinte à l’intérêt général en condamnant toute émulation nécessaire au progrès ? Avec le revenu universel, le risque ne serait-il pas de s’enfermer dans une société de plus en plus conservatrice faute de mouvement procuré avec le travail généralisé ? Ces interrogations peuvent sembler quelque peu provocatrices en prolongeant l’idée d’un homme naturellement paresseux et dont seule la contrainte financière pourrait extraire de son état naturel. Mais après tout, toutes les questions sont bonnes à poser dès lors qu’elles concernent un sujet essentiel…

La mise en place d’un revenu universel, en plus de bousculer la valeur travail, suppose de bouleverser l’ordre étatique. Quelle place en effet accorder à l’Etat si celui-ci rémunère tout le monde sans obligation ? Sur ce point, là-aussi le consensus n’est pas de mise. On peut trouver paradoxalement des libéraux comme Milton Friedman qui, répondant à la question, font la promotion du revenu universel. Mais cette adhésion repose avant tout sur le fait de considérer le versement sans condition d’une somme à chacun comme un moyen indispensable à une société avec moins d’Etat. Ainsi, tout individu bénéficiant d’un pécule reçu automatiquement chaque mois aurait ensuite à sa charge tous frais le concernant, y compris ceux qu’il peut ne pas payer aujourd’hui, notamment en matière d’éducation et de santé. En d’autres termes, le revenu d’Etat permettrait de tout privatiser, la puissance étatique se concentrant sur les fonctions régaliennes. A l’inverse, il est possible de penser que l’Etat allouant un revenu à tout le monde, le salaire devienne un complément pour vivre, ceci traduisant une nationalisation du pouvoir d’achat, donc de l’économie.

Se pose enfin la problématique du financement du revenu universel. Son principe oblige à renverser l’ordre existant en matière de prestations sociales. En effet, la protection actuelle est financée par un mécanisme de redistribution des richesses, lesquelles sont produites avec le travail. Il s’agit avant tout d’un régime d’indemnisation au bénéfice de celles et ceux qui n’ont plus accès à l’emploi, dans le cas de la maladie, du chômage, de la retraite. Le revenu universel par contre ne serait pas adossé à la création de richesses puisqu’il n’y contribue pas. Comment dès lors le financer ? Certainement avec une ponction encore plus forte qu’aujourd’hui sur les revenus produits, mais après avoir supprimé toute autre prestation sociale pour établir un nouvel équilibre. Rien ne dit pourtant aujourd’hui qu’un tel équilibre soit possible, et que donc le revenu universel soit viable. Il est évident que celui-ci serait plus sensible aux cycles économiques que peut l’être la protection sociale actuelle. Mais rien ne dit non plus que les richesses produites ne soient pas suffisantes pour contenter tout le monde avec le revenu universel. Les utopies sont un pont entre l’impossible et la réalité que l’audace suffit parfois à franchir.

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